Joie et esprit de célébration au travail
Pascale Dufresne
Co-Présidente

À chaque jour je vous vois, employés, gestionnaires, entrepreneurs, inquiets pour vos enfants malades, ou pour votre propre santé, aux prises avec des soucis financiers, crouler sous les multiples responsabilités. Je vois vos fatigues, vos nuits agitées et écourtées, vos livrables de plus en plus ambitieux. Je vous vois traverser des deuils et des ruptures, tenir le fort quand vos collègues sont en congé ou en vacances, simuler des sourires quand tout dérape pour garder le moral des troupes, tenir le poids d’équipes, de projets ou d’organisations complètes sur vos épaules. Je vous vois mettre tous vos soucis de côté pour être fidèles au poste et ne laisser tomber personne. Je vous vois, je vous écoute, accueille, et me trouve souvent impuissante.

Je vous vois et je me demande : Mais où est donc la joie dans nos organisations? Est-ce que le travail ne devrait pas être un lieu où l’on peut aussi respirer, rire, se sentir vivant? Un endroit où l’on peut être pleinement humain, avec nos hauts et nos bas ?

Une directrice que j’accompagnais m’a dit un jour : « Je ne me rappelle même plus la dernière fois où j’ai ri au bureau. » Cette phrase m’a profondément touchée. Parce qu’elle reflète une réalité trop commune. Parce qu’elle raconte l’histoire de tant d’entre nous. Et c’est ce qui m’a donné envie de vous écrire ce texte.

Et je ne souhaite pas vous parler de plaisir : des 5 à 7 auxquels on se force souvent à aller car cela empiète sur notre temps familial, des activités de team building obligatoires, des dîners d’équipe qui s’éternisent, des séances de yoga sur l’heure du lunch quand on a à peine le temps de manger…

Je veux vous parler de joie. Cette émotion plus profonde que le simple plaisir. Cette sensation qui nous habite quand on se sent en accord avec soi-même, quand on trouve du sens dans ce qu’on fait. La joie, c’est ce sentiment d’être pleinement présent, ancré dans l’instant. C’est cette chaleur qui nous envahit quand on se sent en connexion authentique avec les autres, quand on reconnaît notre humanité partagée. Contrairement au plaisir qui est souvent éphémère et externe, la joie est une expérience interne qui peut coexister même avec les moments difficiles.

Certains jours, la joie peut prendre une formule plus humble:
Pour soi :
• S’autoriser une vraie pause café de 10 minutes, en silence.
• Se dire « j’ai fait de mon mieux aujourd’hui, c’est assez ».
Pour connecter avec les autres :
• Envoyer un court message texte à un.e collègue ou un.e ami.e : « Je pense à toi ».
Pour s’ancrer dans le présent
• Regarder par la fenêtre quelques minutes, rêvasser, et remarquer la couleur des feuilles et du ciel. Prendre quelques notes dans notre journal, ce à quoi ça nous inspire.
• Prendre le temps d’une grande respiration avant d’entrer dans une réunion.

Un autre leader que j’accompagnais et qui traversait une période particulièrement intense avec une équipe en sous-effectif et des objectifs plus ambitieux que jamais, m’a un jour confié qu’il se sentait coupable de prendre du temps pour lui dans ce contexte. Ne serait-ce que 5 minutes pour souffler. Noble intention, il voulait être présent en permanence pour son équipe. « Ils sont tellement sous pression », me disait-il, « Je veux être là en soutien ». Un jour, pendant un accompagnement, nous avons exploré ensemble la possibilité de ne plus porter ce poids seul. Il a donc partagé son sentiment avec son équipe. Ensemble, ils ont commencé tout petit. Ils ont instauré ce qu’il appelle « le moment humain » : 3 minutes au début de chaque réunion Zoom où chacun peut partager un petit quelque chose : Leur fierté du jour, une reconnaissance ou une gratitude, une inquiétude ou un défi. Pas d’obligation. Pas de tour de table forcé. Juste une invitation. Ce qui s’est passé ensuite fut magnifique : un réseau de soutien s’est créé. Cela peut sembler bien peu, mais ce qui s’est installé fit toute la différence pour eux. Ils n’étaient plus seuls. Ils étaient vus et entendus. Bien sûr, le contexte n’a pas changé, mais ce gestionnaire a l’impression de porter moins lourd.

Même ces suggestions peuvent sembler insurmontables certains jours. Quand chaque minute est comptée. Quand le simple fait de respirer demande un effort. Quand garder la tête hors de l’eau est déjà un exploit.

La joie au travail n’est pas un grand feu d’artifice. Elle ressemble plutôt à ces petites lucioles qui brillent dans la nuit – parfois à peine visibles, mais bien réelles. Elle vit dans ces micro-moments où l’on se permet d’être simplement humain. Elle est là, dans le « merci » sincère murmuré entre deux réunions. Dans ce café partagé en silence avec un collègue qui comprend. Dans ce petit pas en avant, même quand la montagne semble immense. Dans ces yeux qui se croisent et se reconnaissent, au-delà des titres et des rôles.

Et c’est fascinant de voir comment ces petits moments de joie se propagent. Quand un leader s’autorise à être humain, il donne inconsciemment la permission à son équipe de l’être aussi.

Alors peut-être qu’aujourd’hui, vous ne vous sentez pas prêt à célébrer. Peut-être que la charge est trop lourde, le chemin trop long. C’est OK. Mais sachez que quelque part, dans une organisation comme la vôtre, un autre leader regarde aussi par sa fenêtre et cherche sa propre luciole de joie.

Nous sommes nombreux à naviguer ces eaux, à chercher l’équilibre entre performance et humanité, entre responsabilité et légèreté. Et peut-être que la plus grande joie, finalement, c’est de savoir qu’on n’est pas seul dans cette quête. Que chaque petit geste d’humanité que nous posons, aussi modeste soit-il, allume une lumière qui peut en inspirer d’autres.

La joie est là, patiente. Elle nous attend dans les interstices de nos journées chargées. Elle ne demande pas la perfection. Juste une petite place pour exister.

Et vous, quelle petite luciole de joie pourriez-vous inviter dans votre journée ?

Si vous le souhaitez, partagez avec nous votre réponse. Vos petites lucioles de joie pourraient en inspirer d’autres.

Pascale Dufresne, Co-Présidente